Le Retour

Je me vois dans un bois ombragé où vivent des écureuils et tout un tas d’autres animaux qui jouent avec mes chiots. Pas très loin il y a un lac avec une petite embarcation juchée d’une cabine au toit vitré où je peux m’endormir pendant que la pluie résonne et les étoiles attendent pour apparaître. Tout d’un coup le langage de la nature et de ses être vivants me devient évident et je fais partie intégrante du tout. Mon cœur bat lentement et je perçois les souvenirs latents qui s’y cachent et quels esprits occultes continuent à y exister. Je me sens accompagné et je n’ai pas peur d’entrer dans des zones plus énigmatiques pendant que l’obscurité gagne de l’espace sur la lumière. J’ai l’impression qu’une fois cet espace traversé je trouverai le mien et qu’il sera comme je l’avais imaginé. A mesure que je pénètre dans cet endroit un éclat de lumière provenant d’une immense lune pleine illumine tout, et soudain mes pensées prennent forme. Tout à coup, je commence à voyager là où le désir me mène, je traverse des mers et des montagnes, profitant du bonheur de vivre les meilleures sensations et émotions que jamais je n’avais senti et prêt pour revoir les âmes qui m’attendaient depuis si longtemps.
Anonyme
A quoi correspond le désir de vivre dans un état de plénitude ? Un état d’esprit où le désir à peine né, disparaît, où l’esprit voyage plus vite que la lumière là où bon lui semble. Un lieu où l’illusion n’a pas de sens car rien ne peut être plus réel que cet endroit.
Répond -t-il à un état ancestral qui nous rappelle la vie intra-utérine ? Correspond-t-il pour les croyants à l’idée du paradis ? Ou en réalité sommes-nous des êtres pour lesquels la transcendance, de nature innée, nous oblige à vivre avec la perpétuelle déception que suppose désirer un bonheur qui ne sera jamais ni l’ombre de ce que notre véritable nature peut nous donner.
De là, le besoin d’entrer dans un état où le désir n’existe pas, fatigués de chercher ce qui appartient au monde de l’illusion car de toujours la fiction ne mène nulle part.
La grande découverte c’est que cet état de nirvana, même s’il n’est pas intense, se vérifie quand nous sommes capables d’écouter le vent, ou quand le soleil nous débarrasse du froid et nous sentons son intense énergie curative, ou quand nous sentons le parfum d’une fleur qui éveille en nous la reconnaissance de sa pureté, ou quand l’amour nous fait trembler des pieds à la tête et que notre âme sens, en même temps, gratitude et reconnaissance pour le simple fait de pouvoir en jouir.
Pour arriver à ce stade, il faut comprendre le message que cache la souffrance de chacun. Tous les humains ont ce potentiel en eux mais la société nous dit que le bonheur c’est « d’être quelqu’un » : « avoir plus d’argent ou plus de pouvoir que l’autre », « croire que nous sommes plus respectables que ceux qui n’ont rien », « avoir des diplômes qui attestent d’un très grand savoir et favoriser l’accès à ces diplômes uniquement à ceux qui ont du temps et de l’argent », « croire que nous sommes plus dignes que ceux qui n’ont rien », « croire que nous avons le droit de museler l’autre pour obtenir ce que l’on veut ». Toutes ces croyances incrustées dans nos esprits nous parlent d’une identité qui n’a rien à voir avec ce ne que nous sommes ni non plus avec ce à quoi nous sommes destinés. En définitive, c’est erroné de croire que des valeurs comme la compétitivité et la dévalorisation de l’autre, sont nécessaires pour avancer ; alors que les seules valeurs valides devraient être l’amour fraternel et la solidarité entre nous tous.
Combien de souffrances nous transmettent l’angoisse, la cruauté et les violences de toutes sortes ! Tout ce qui nous produit une souffrance insupportable est le fruit de l’égoïsme et de l’orgueil, quand nous ne respectons pas l’autre ou quand nous permettons, par peur ou peu d’amour propre, que quelqu’un ose nous maltraiter. Personne n’est supérieur à quiconque. Personne ne devrait avoir plus de pouvoir qu’un autre. L’éducation au service d’une société capitaliste nie les véritables valeurs de la vie dans son essence.
L’essentiel qui devrait se transmettre dès le plus jeune âge c’est que plus nous sommes nombreux et plus nous passons de bons moments, que nous ne deviendrons pas de bons citoyens si nous permettons qu’un enfant soit exclu du jeu. Que jamais nous ne devons envier l’autre car tous nous possédons suffisamment pour profiter de la vie et être heureux. Car si quelqu’un n’a pas ou manque de quoi que ce soit, ensemble nous remplirons ce vide car le simple fait de rendre l’autre heureux devrait nous rendre heureux.
Mais nous sommes loin de cela !! L’état et le système nous a rendus incapables de répandre les vraies valeurs humaines. L’école est la première institution chargée de transmettre les valeurs du système économique, politique et social en vigueur. Ainsi, pour survivre dans une société non basée sur la défense des droits fondamentaux de l’être humain, trop fréquemment nous laissons passer l’opportunité de dire ou de faire ce qu’il serait nécessaire de dire et de faire pour changer ces valeurs erronées. Le monde est devenu une jungle où seuls les plus forts et les plus durs profitent du meilleur. Si vous les affrontez alors vous êtes marginalisés ou dévalorisés car nous nous transformons en miroir de tant de détériorations, miroir d’un théâtre et d’une hypocrisie où tout le monde doit danser sur l’air de ceux qui ont réussi à se maintenir dans une bonne position sociale. C’est ainsi que nous nous soumettons, pour survivre ou alimenter nos enfants, à ces fausses valeurs et nous devenons collaborateurs de ce montage. Ceci nous rend malheureux parce qu’au fond de nous-mêmes, nous savons que nous n’avons pas suffisamment agi pour assainir ce système malade.
Heureusement, il y a souvent une personne qui apparaît et vous tend la main au moment où vous en avez le plus besoin. Ces personnes sont celles qui refusent de s’identifier et de collaborer au système en vigueur, qui s’émeuvent face à la souffrance de tant d’êtres humains fuyant une vie misérable ou dangereuse et qui font un geste de solidarité au travers d’organisation sans goût de lucre. Ces personnes sont conscientes que la vie n’a pas été facile pour tout le monde et que tous n’ont pas eu l’amour d’une famille, principale force qui nous permet d’être résistant et résilient. (La Résilience que le fameux neuropsychiatre Boris Cyrulnik définit très bien dans cette phrase « l’art de naviguer entre torrents »).
Au moment même où nous prenons conscience de cela, où beaucoup de personnes démontrent que le système prend l’eau de toute part, car aucun état ni personne n’est suffisamment décidé à détenir sérieusement le changement climatique et l’immigration imparable des plus démunis, apparaît la pandémie planétaire de la Covid 19. Un virus qui nous enferme dans nos maisons et nous laisse peu de possibilités de lutter, qui nous enlève nos plus grandes aptitudes comme celle de profiter de notre vie sans la peur de tomber malade, se retrouver sans travail ou mourir soudainement.
Des milliers de personnes sont obligées de s’isoler, des milliers meurent engloutis dans la plus grande des solitudes. L’humanisme, la tendresse, l’amour, l’amitié, la solidarité, la compassion perdent leur complicité implicite sous la menace de contagion envers nous et envers les autres. Si déjà, le manque de solidarité nous rendait malheureux maintenant la solitude s’y rajoute. La peur nous bloque et nous perdons l’espoir de vivre dans un monde meilleur. L’économie se détériore à cause du dysfonctionnement implicite du système en vigueur et tout le monde peut être victime de tout perdre, cela accompagné de la plus terrible incertitude.
Cette pandémie mondiale est accompagnée de dépression, angoisse, incertitude, désespoir, insomnies, terreur, solitude, manque d’amour, maladie et mort. La possibilité de mourir oublié de tous, dans une solitude désastreuse et dévastatrice, existe vraiment. Avec un peu de chance nous aurons une personne vêtue de blanc qui nous susurrera des paroles tendres. Mourir seul, oublié de tous et du monde, comme tous ces gens qui entreprennent un voyage où à chaque jour qui passe, la possibilité de se noyer en mer devient de plus en plus grande.
Cette fausse croyance en l’ennemi étranger, cultivée par les États signifie que nous sommes incapables de changer le système capitaliste pour un autre qui soit plus juste. Pour nous défendre de l’autre nous avons plutôt choisi l’armée, les armes et la mort, pourtant nous devons croire qu’il est possible de vivre dans un monde sans peur de l’autre parce que nous n’avons pas à rivaliser avec l’autre ni avec personne, ni avec rien que nous n’ayons déjà. Nous pouvons vivre comme dans ces communautés d’antan où tous avaient une place, un rôle bien identifié, où tout était partagé et apprécié.
Nous poursuivons un monde meilleur car nous savons que nous pouvons jouir encore plus de la vie que nous avons, parce que dans le fond de notre âme ce que nous recherchons c’est l’amour dans toute sa plénitude, parce qu’à chaque fois que nous renonçons à nos droits les plus élémentaires nous savons que nous ne nous respectons pas comme nous devrions le faire.
Quant au lieu d’avancer nous régressons, le désir de rébellion renaît du plus profond. Si nous nous interrogeons sur le sens étymologique du mot « revolvere » nous voyons qu’il signifie revenir, c’est à dire, aller dans le sens qui nous ramène à la source, retourner ciel et terre pour revenir à ce monde d’avant auquel nous appartenons, car à chaque fois que nous nous en éloignons nous nous sentons malheureux. Contrairement au message « si tu n’as rien tu n’es rien », répondons que nous ne renoncerons ni à la dignité ni à la reconnaissance de ce que nous sommes réellement. En naissant, chaque être humain possède en lui une graine, si nous savons en prendre soin et l’aimer, elle deviendra la force d’un potentiel inhérent. Pour cela, nous avons besoin d’un autre modèle de société basé réellement sur la défense des droits humains et un système égalitaire qui nous protège à tous équitablement. Les révolutions violentes nous éloignent de nos véritables désirs. Ce que nous devons faire c’est être plus nombreux pour défendre l’injustice qui touche l’autre car demain cet autre peut être toi. Il nous faut comprendre, une bonne fois pour toute, que le mal qui frappe l’autre se répercute sur soi aussi. Nous devons nous sentir vivant et non pas être mort-vivant car celui qui n’aime rien ni personne a déjà tout perdu.
Alors comment débuter ce retour que tous nous devrons entreprendre tôt ou tard, sans mourir dans la tentative ? Comment nager à contrecourant sans effort ? Comment effacer ces idées néfastes qui émergent sous d’innombrables formes et qui nous ressassent sans relâche que cette lutte est utopique et impossible ? Comment y mettre fin quand la vie même est une lutte acharnée pour gagner sa place dans ce monde qui semble déjà perdu pour toujours ? Peut-être qu’en comprenant que nous n’avons besoin d’aucune armée ni d’aucun autre leurre car notre pouvoir est immense quand nous nous approchons de la connaissance de ce que nous sommes réellement.
De quelle nature est faite cette force qui peut tout vaincre si nous la laissons exister et couler ? Est-ce une énergie propre à l’être humain ? Est-ce notre propre capacité de résilience ?
Peu importe comment nous l’appelons. Nous devons simplement avoir conscience de son existence en chacun de nous, avancer pour la reconnaître et commencer le processus révolutionnaire qui nous ramènera à la source. Alors le retour remplira pour toujours le vide existentiel du non-être car nous pourrons finalement être ce que nous étions et sommes.
« Soit ce que tu as toujours été » Carl Gustav JUNG
LA MALICE DE L’ESPRIT
Votre pensée n’est plus ma Pensée
Comme au temps où nous étions unis,
Dit le Seigneur d’intelligence.
Vous jugez et vous condamnez,
Mais ma Pensée est universelle
Et vous avez fait votre bien particulier
De la source de ma connaissance
Que je vous avais donnée en prêt.
Mon jugement n’est pas votre jugement,
Dit le Seigneur de justice,
Hélas ! la malice a prostitué votre vie,
Aussi vos paroles et vos actes
Ne sont plus qu’ouvres de mort´
Et vous croupissez dans les ténèbres,
Sans savoir qu’en jugeant le prochain
Vous vous condamnez vous-mêmes.
Carlos DEL TILO livre «PALABRAS DE EXILIO» . Arola Editors. Edición bilingüe
Article de Elisenda Navinés mois d’avril 2021.
Traduction Dolores Cera
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