Le pouvoir de la fantaisie chez les enfants

Psychologue Clinicienne / Psychotérapeute à Estavar

Le pouvoir de la fantaisie chez les enfants


Article de Elisenda Navinés publié dans le journal el Bourricot, janvier 2018.

L’enfance est avant tout la période de la fantaisie. Cette activité autonome et primaire est dénommée par C. G. Jung comme « la mère de toutes les possibilités ». Aux yeux de ce grand psychanalyste, la fantaisie est un pont naturel entre les processus conscients et inconscients, entre le monde intérieur et le monde extérieur. Il ne la percevait pas comme une fuite de la réalité, mais comme un outil très nécessaire pour pouvoir affronter le monde avec plus de force interne. La fantaisie est donc liée à la pensée magique, qui est innée chez les enfants depuis tous petits, et essayer d’empêcher son développement ne parvient pas à ce que les enfants murissent avant, au contraire.


L’ IMAGINATION ET LA FANTASIE

Préserver l’imagination et la fantaisie des enfants devrait être une tâche importante et présente aussi bien chez les parents que chez les éducateurs. Le jeu est une forme d’expression symbolique et la voie d’accès aux fantaisies inconscientes. C’est pour cette raison que jouer permet à l’enfant d’extérioriser l’imagination et les conflits psychiques.

Le symbolisme et la capacité de symboliser, ne sont pas seulement les fondements de toute fantaisie. En permettant que l’enfant dispose quotidiennement d’un espace pour jouer, nous favorisons aussi qu’il développe sa capacité de s’exprimer et de penser. En même temps, favoriser la créativité permet exprimer le désir et, en conséquence, l’équilibre entre fantaisie et réalité devient plus important. Finalement, jouer permet la mise en scène de ce monde magique qui apporte un certain équilibre émotionnel aux enfants dans les situations de vulnérabilité. .       

À ce jour, nous ne sommes toujours pas assez conscients de l’importance de laisser jouer les enfants quotidiennement. En Suède les enfants jouent jusqu’à l’âge de six ans, leur apprentissage se fait toujours par le biais du jeu. Ce n’est qu’à l’âge de sept ans qu’ils vont être confrontés au système éducatif politique et social, aux normes et à la loi. Leur priver de jouer les empêche de se libérer des tensions et des difficultés, ce pourquoi cet espace qui les appartient devrait être respecté au maximum.

André Bourguignon, professeur de psychiatrie disait aussi. : “Toutes les recherches scientifiques aboutissent à la conclusion que les facteurs qui  concourent à accroître la probabilité de survenue des comportements agressifs chez les individus sont avant tout les conditions dans lesquelles un enfant a été élevé dans ses premières années »…
« Les violences exercées sur les enfants et les femmes représentent une aberration propre à l’homme…L’homme a fait subir à ses enfants ce qu’aucun animal n’a jamais fait subir à ses petits…
…toutes les expériences affectives de l’adulte ne prennent sens qu’en référence à celles de l’enfance”. 

On se doit donc de transmettre et préserver ce droit de l’enfant. Si nous ne le faisons pas nous sommes en train de négliger un de leurs besoins fondamentaux.

EDUCATION SANS FUSTRATION

Comment éduquer sans les frustrer de trop ou sans blesser leur sensibilité? Comment les aider à progresser dans la confrontation de leurs conflits qui sont fruit de la frustration quand leurs désirs ne sont pas accomplis ? À mon avis il ne faut pas aller vers un apprentissage rigide, ou la capacité de réfléchir et la capacité créatrice n’ont pas leur place,  il faut plutôt toujours rester dans la non-violence psychique et physique dès la naissance de l’enfant.

En plus de devoir donner des réponses adéquates en fonction de son niveau évolutif, l’enfant doit se confronter très souvent à la souffrance d’un système de vie ou les parents n’ont pas le temps de se décontracter ni le temps nécessaire pour éduquer leurs enfants avec tout le respect qu’ils méritent. La tendance actuelle à la désintégration de la famille favorise que cette tâche ne soit plus une tâche partagée et ceci facilite d’avantage la maltraitance et la négligence de la part des personnes qui sont cencées en prendre soin.

La présence de changements dans leur conduite et réussite scolaire, ainsi comme le manque de confiance en soi et avec les autres, une baisse estime de soi, agressivité, isolement, perte d’intérêt pour n’importe qu’elle activité ludique et régression aux stades évolutifs antérieures, ou le contrôle d’apprentissages déjà consolidés se perd,  sont des symptômes provenant d’une souffrance psychique et il convient d’agir en conséquence.

CONFLITS ÉMOTIONNELS   

Quand ceci arrive, l’estime de soi de l’enfant a surement été blessée et une blessure narcissique a lieu. La conséquence est un affaiblissement de leurs propres capacités personnelles, nécessaires pour continuer à surmonter leurs conflits émotionnels.  

Il est  nécessaire de savoir que les conflits émotionnels sont présents chez les enfants toujours quand des changements obligent à une nouvelle adaptation, un changement de domicile, une nouvelle école, un frère qui arrive et augmente la famille, le décès d’un proche… Les conflits émotionnels seront d’une importance spéciale si l’enfant ne peut pas donner une réponse un minimum adaptative. 

Comprendre et affronter les nombreuses douleurs que la vie nous impose nous apprend à être entendus, accompagnés et à faire face à la douleur et au manque depuis l’enfance. Si ce soutien n’a pas fait acte de présence et le traumatisme s’incarne dans le corps, une fois adultes nous aurons plus de difficultés pour assumer des nouveaux défis et des nouvelles douleurs toujours inhérentes au cours de la vie.

Nous pouvons toujours stimuler l’imagination de nos enfants en tenant compte du temps de jeu, en faisant des activités ludiques conjointement et en racontant une histoire avant qu’ils rentrent dans le monde des rêves. Entendons donc nos enfants en partageant avec eux leurs douleurs, aidons-les à rabaisser la tension avec notre chaleur et renforçons son potentiel imaginatif pour pouvoir continuer à profiter de la vie au-delà des déceptions.

« Le conte de fées est orienté vers l’avenir et sert de guide à l’enfant, dans des termes que peuvent saisir son conscient ou son inconscient ; il l’aide à renoncer à ses désirs infantiles de dépendance et à parvenir à une existence indépendante et a parvenir à une existence indépendante plus satisfaisante….il est donc important, de procurer des images d’héros qui doivent s’aventurer tout seuls dans le monde et qui, sans savoir au départ comment leurs aventures finiront, découvrent des endroits où ils se sentent en sécurité, tout en suivant le droit chemin avec une confiance solide.. Comme l’enfant moderne, qui se sent souvent isolé, le héros du conte de fées poursuit parfois sa route dans la solitude ; il est aidé par les choses primitives avec lesquelles il est en contact : un arbre, un animal, la nature, toutes choses dont l’enfant se sent plus proche que ne l’est l’adulte. Le sort de ces héros persuade l’enfant que comme eux, il peut se sentir abandonné dans le monde comme un hors-la-loi, il peut tâtonner dans l’obscurité, mais que comme eux, au cours de sa vie, il sera guidé pas à pas et recevra toute l’aide dont il pourra avoir besoin. »

 Bruno Bettelheim « Psychanalyse des contes de fées »

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